Jean Clarence Lambert

« Lequel de nous compose ce poème
D’un moi pluriel et d’une seule ombre ? »
Ces vers de Borges, conviennent assez parfaitement à Leandro Berra. Son œuvre est toute entière dialogue –mais peut il aller autrement
quand il s’agit d’image, c’est-à-dire de double ? Sur ce thème, les Argentins –Borges, Berra- ont beaucoup à nous apprendre, à nous
montrer, car être Argentin, n’est ce pas être à la recherche du miroir ? Quel miroir ? Quelle image dans le miroir, qui renvoie à quel
réalité ? Intérieure ? Extérieure ? Ce va et vient qu’on a aussi, appelé l’Eternel Retour, Berra le met en interrogation : son protagoniste,
un porteño évidemment, disparaît derrière le miroir pour réapparaître, mais en mouvement contraire : Faux départ, donc, que l’Eternel
Retour – parce qu’il y a l’image redoublée, venant du passé en tant que photographie et promise à l’avenir en tant projection en relief de
l’Homo Argentinus, ou de l’Homo tout court… Le processus historique n’est pas orienté de façon linéaire, comme l’affirme en ce XX
siècle une moitié du monde. C’est un Labyrinthe où « l’identité se dilue imperceptiblement en illusion ». Les œuvres de Berra
matérialisent ces instants où l’autre et le même sont confrontés. Tensions fixées. Scènes impossibles : comme ce double plongeur dans le
fleuve d’Héraclite.